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Inflexion, la valeur ajoutée est à vous Prestation de services : s'inscrire dans une relation d'affaires

Gestion d'exploitation pour un tiers, travail à façon : les mutations attendues en agriculture devraient favoriser ce type de prestation. Ces services existent mais ils reposent, pour la plupart, sur des accords verbaux. Adrien Lepage, du CerFrance Alliance Centre, insiste sur la nécessité de formaliser cette mise à disposition de savoir-faire, afin de l’inscrire dans une véritable relation d’affaires. Un article extrait de Terre-net Magazine n°15.

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Dès que l'activité de travail à façon prend de l'ampleur, il faut s'interroger sur ses objectifs et sa stratégie
d'entreprise. Et bien mesurer la complexité de la démarche : relation d'affaires, réponse aux besoins des clients,
importance du contrat et du raisonnement financier... (© Terre-net Média)

De plus en plus d’agriculteurs délèguent une partie de leurs travaux. D’autres prennent leurs dispositions pour répondre à ces besoins. Progressivement, au-delà du semis et de la récolte, ils ont proposé de s’occuper des cultures dans leur intégralité. Puis de gérer globalement une exploitation, par exemple pour des propriétaires fonciers ou des fermes sans repreneur. Destiné à l’origine à rentabiliser l'outil de travail, le parc matériel ou un emploi salarié, le travail à façon devient souvent un projet d’entreprise à part entière.

« D’abord marginale, cette diversification n’a pas trop d’incidence sur l’activité, explique Adrien Lepage, conseiller d’entreprise auprès des agriculteurs au CerFrance Alliance Centre. Mais, dépassé un certain seuil, s’occuper d’hectares supplémentaires dégage un chiffre d’affaires non négligeable. À mesure que des paliers seront franchis, il faudra revoir son organisation et s’interroger sur ses besoins d’investissement en matériel et en main-d’oeuvre. »

« L’aspect relationnel est très important »

Trois stratégies d'exploitation

Le CerFrance Alliance Centre, dans une récente étude prospective, a mis en évidence trois stratégies d’évolution pour les entreprises agricoles. La logique « industrielle » vise à rechercher la productivité en baissant les coûts et en augmentant les volumes produits. La pluriactivité consiste à créer un atelier en complément de l’exploitation.
Enfin, pour la ferme « placement sentiment », l’objectif est de la conserver dans le cercle familial malgré l’absence de repreneur immédiat. L’exploitant aura recours à une prestation de services pour assurer la gestion globale de l’activité. L’agriculteur doit aujourd’hui se positionner sur l’un ou l’autre de ces trois axes et faire évoluer sa structure en fonction de son choix.

« Se lancer dans la prestation globale impose de définir une stratégie pour son entreprise », prévient Adrien Lepage. « Jusqu’où souhaite-t-on aller ? Veut-on offrir son savoir-faire pour aider à maximiser une marge, à raisonner un assolement ? Ou seulement être un chauffeur, faire pousser du blé ? La tarification pourrait alors se baser sur l’efficacité ou le niveau de responsabilité. »

En plus des moyens physiques, monter une activité de prestation de services globale nécessite un certain nombre de compétences. « L’aspect relationnel est très important. Par ailleurs, il vaut mieux être spécialiste et reconnu comme tel. Il faut tenir les délais et ses engagements, inspirer confiance. Et être un bon gestionnaire afin de prendre des décisions rapides et mesurées et d’assurer la pérennité de son entreprise. Enfin, il faut savoir se vendre et s’inscrire dans une relation d’affaires. »

Ainsi, « la prestation de services implique un certain niveau de formalisme, surtout si elle est poussée jusqu’à la gestion globale d’exploitation », précise Adrien Lepage. Les deux parties auront intérêt à signer un contrat.

La valeur du travail


Il est tentant de s'aligner sur les tarifs de la
concurrence, mais attention à ce que le
process mis en oeuvre ne coûte pas plus
que ce qu'il est facturé. (© Terre-net Média)

A travers ses tarifs, le prestataire doit, en plus de couvrir ses coûts de production, faire en sorte que le client ait en tête la valeur du travail effectué. Toutes les tâches seront détaillées dans l’accord, y compris les moins visibles, comme les prises de décision, le déclaratif, les commandes et réceptions de produits. Seront également spécifiés, les moyens mobilisés, en dehors du matériel : temps, investissements, veille technique et réglementaire, formation, responsabilités…

« Il est important de valider avec le client le bénéfice qu’il retire des services rendus, afin qu’il soit conscient de l’avantage de confier son exploitation à un spécialiste. Enfin, dans la construction d’une relation d’affaires, si la prise de responsabilité est mise en avant par le prestataire, il est logique de prévoir d’éventuelles indemnisations en cas de problème, sinon comment "facturer" le risque ? »

Sur le principe, « une fois que tout a été mis à plat, le tarif n’est pas négociable, à moins de revoir le niveau de la prestation. » De là à rémunérer le savoir-faire, le chemin est encore long. « Celui-ci est souvent valorisé par la durabilité de la relation client et illustré par la fidélisation. »

 

 

 

Éric Hautin, céréalier dans le Loiret, cultive 103 ha de blé,
de maïs et de colza et possède une entreprise de travaux agricoles

« Quand je me suis installé, j’ai acheté une moissonneuse-batteuse pour faire de la prestation de services, au début sur une centaine d’hectares grâce au bouche-à-oreille. Dix ans plus tard, je moissonnais 600 ha pour des tiers. En septembre 2003, un ancien client m’a aiguillé vers deux exploitations à faire à façon l’une de 110 ha, l’autre de 140 ha toutes deux situées à 10 km de ma ferme. Aujourd’hui, je les cultive en blé, orge, maïs, en plus de récolter et de semer pour une vingtaine d’autres agriculteurs.

Le travail à façon consiste à gérer l’itinéraire cultural, tant au niveau de la réalisation que de la prise de décision. Je décide de l’assolement, des rotations. Je me charge des achats et de la réception des semences, des engrais, des produits phytosanitaires. Par contre, je laisse aux propriétaires les déclarations Pac et la commercialisation des grains. Je travaille sur accord verbal, sans contrat. Mes prix, fixés à l’hectare, sont identiques en prestation de services occasionnelle et en travail à façon intégral. L’ensemble représente au global 60 % de mes revenus.

Quand j’ai commencé, deux entrepreneurs étaient déjà présents sur le secteur. Je n’ai pas eu d’autre choix que de m’aligner sur leurs tarifs pour obtenir des marchés… et pour les conserver puisque, sans contrat, un client peut partir du jour au lendemain. J’ai récemment embauché un salarié pour être plus réactif au moment de la récolte du maïs et des emblavements, la période la plus chargée de l’année. Par la suite, j’aimerais agrandir mon exploitation. Ma zone d’activité en prestation de services s’étend déjà sur 25 km. De nouveaux clients impliqueraient des temps de déplacement et des frais supplémentaires. »


Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°15. La deuxième partie sera publiée ultérieurement. 

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